Échec et mat de Rowlandson Thomas
"Sera -t-il permis à des Français de jouer à l'avenir
aux échecs ? Cette question fut agitée, il y a quelques jours, dans une société
de bons républicains, et il fut conclu, comme on devait s'y attendre, par la
négative absolu."
"Mais on demanda ensuite s'il ne serait pas possible de
républicaniser ce jeu, le seul qui exerce véritablement l'esprit ..."
"Tout le monde sait que le jeu d'échecs est une image
de la guerre ; jusque-là rien qui répugne à un républicain ..."
"Ce sera le jeu des camps, ou si l'on aime mieux de la
petite guerre. Le mot échecs a une étymologie royale ; c'en est assez pour le
condamner à l'oubli ..."
"Le personnage principal sera le porte-drapeau, ou pour
mieux dire, le drapeau. Il ne sera pas difficile de donner à la pièce une forme
convenable à cet attribut ; elle tiendra la place du ci-devant roi [...] ;
lorsqu'on l'attaquera, on en avertira par ces mots : au drapeau ; lorsqu'elle
sera forcée, on criera victoire ; lorsqu'elle sera seulement enfermée, on dira
blocus ..."
"La pièce appelée si bêtement reine ou dame sera
l'officier général, pour abréger, l'adjudant. Les tours seront les canons, et
l'on ne cherchera plus le rapport de leur mobilité avec leur dénomination.
Roquer sera mettre un canon près du drapeau ; on l'annoncera en disant :
batterie au drapeau. Les fous représenteront la cavalerie légère, les dragons.
Les ci-devant chevaliers étaient déjà descendus au rang de cavaliers. Les pions
formeront l'infanterie [...] quand ils auront enfoncé le camp ennemi jusqu'à sa
limite [...] leur nouvelle marche ne sera plus que l'image naturelle de
l'élévation en grade d'un brave soldat."
Extrait du Moniteur du 20 brumaire an 2 (10 novembre 1793).
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