À cet instant, elle fut interrompue dans ses réflexions par
un "Holà ! Holà ! Échec !" retentissant, et un
Cavalier, recouvert d'une armure cramoisie, arriva au galop droit sur elle en
brandissant une énorme masse d'armes. Au moment précis où il allait I'atteindre,
son cheval s'arrêta brusquement : "Vous êtes ma
prisonnière !" s'écria le Cavalier en dégringolant de sa monture.
Si effrayée qu'elle fût, Alice, en cet instant, eut plus peur encore pour lui
que pour elle-même, et ce ne fut pas sans une certaine anxiété qu'elle le
regarda se remettre en selle. Dès qu'il y fut confortablement réinstallé, il
commença, pour la seconde fois, de dire : "Vous êtes ma...",
mais quelqu'un d'autre criant : "Holà ! Holà ! Échec !"
I'interrompit. Quelque peu surprise, Alice se retourna de manière à faire face
au nouvel ennemi.
II s'agissait, cette fois, d'un Cavalier Blanc. II s'arrêta net à la hauteur
d'Alice et dégringola de son cheval tout comme l'avait fait le Cavalier
Rouge ; puis il se remit en selle, et les deux cavaliers restèrent à se
dévisager I'un I'autre sans mot dire. Quelque peu effarée, Alice attachait tour
à tour son regard sur chacun d'eux.
"C'est ma prisonnière, à moi, ne l'oubliez pas !" déclara enfin
le Cavalier Rouge.
"Oui, mais, moi, je suis venu à son secours !" répondit le
Cavalier Blanc.
"Puisqu'il en est ainsi, nous allons nous battre pour savoir à qui elle
sera", dit le Cavalier Rouge en prenant son casque (qui pendait à sa selle
et affectait vaguement la forme d'une tête de cheval), et en s'en coiffant.
"Vous observerez, bien entendu, les Règles du Loyal Combat ?"
s'enquit le Cavalier Blanc en mettant, à son tour, son casque.
"Je n'y manque jamais", répondit le Cavalier Rouge. Sur quoi, ils se
mirent à s'assener mutuellement des coups de leur masse d'armes avec une fureur
si grande, qu'Alice dut se réfugier derrière un arbre pour se mettre à I'abri
des coups.
Extrait du livre de Lewis Carroll A travers le miroir
source la BNF
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire